L’Internet vert : un impératif

L’Internet vert : un impératif

L’Internet vert : un impératif 2117 887 Altavia

Le réchauffement climatique, l’augmentation des anomalies météorologiques et l’intensification des évènements naturels désastreux font désormais partie de notre réalité quotidienne. Ce sont nos comportements et nos décisions qui détermineront l’évolution de la situation et qui, de fait, accéléreront ou freineront la progression du changement climatique.
De plus, en raison de la pandémie de COVID-19, beaucoup de nos activités – travail, éducation, loisirs, recherche d’actualités et d’informations – se font désormais en ligne. Par conséquent, le nombre d’utilisateurs et de recherches, ainsi que le temps moyen passé sur Internet, ont également augmenté. Tout cela a eu une incidence directe sur la consommation d’énergie et les émissions de dioxyde de carbone.


Chaîne des émissions

Les salles de serveurs, les centres de données, l’informatique en nuage, les réseaux de données et les appareils des utilisateurs sont autant d’éléments qui consomment de l’énergie tout en produisant de grandes quantités de dioxyde de carbone. D’après un rapport de l’Institut royal de technologie de Stockholm, l’Internet est à l’origine de près de 10 % des besoins mondiaux en électricité, besoins qui devraient atteindre 20 % d’ici 2025.
Chaque visite sur un site génère dix à plusieurs dizaines de requêtes de ressources Internet, lesquelles consomment de l’électricité et sont responsables d’émissions de CO2. La quantité moyenne de dioxyde de carbone produite par la visite d’un site est de 1,76 g. Si nous multiplions ce chiffre par le nombre de pages visitées, nous constatons que nous contribuons chaque jour à la production de plusieurs kilogrammes de gaz à effet de serre. Par exemple, une moyenne de 10 000 pages visitées chaque mois entraîne la production de 211 kg de CO2 par an.
Dans la liste 2021 des 10 sites Internet les plus populaires du monde, seule la moitié sont « verts », avec des émissions plus faibles que la moyenne statistique. Les cinq sites restants s’écartent sensiblement des autres, ne respectant qu’une partie des recommandations et pratiques exemplaires. Pour ceux-là, des progrès sont assurément possibles en matière d’optimisation.

1. google.com – 0,09 g CO2

2. youtube.com – 1,97 g CO2

3. facebook.com – 0,23 g CO2

4. wikipedia.org – 0,04 g CO2

5. yahoo.co.jp- 0,76 g CO2

6. amazon.com – 1,80 g CO2

7. instagram.com – 0,82 g CO2

8. twitter.com – 1,22 g CO2

9. yahoo.com – 1,25 g CO2

10. yandex.ru – 1,17 g CO2


Qui a un rôle à jouer dans la réduction des émissions ?

Les propriétaires de salles de serveurs et de centres de données, ainsi que les fournisseurs de cloud et les hébergeurs, s’efforcent depuis plusieurs années de réduire leur empreinte carbone. Par exemple, Google est neutre en carbone depuis 2007. D’autres géants du secteur des TIC déclarent être sur la voie de la neutralité carbone, à l’instar d’Apple (qui prévoit de l’atteindre d’ici 2030), d’Amazon (d’ici 2040) et de Microsoft, qui a récemment annoncé que l’entreprise éliminerait d’ici 2050 la pollution qu’elle a générée depuis sa création en 1975.
Dans un contexte de hausse de la consommation de contenus en ligne, il est impossible de renverser la tendance mondiale et d’inciter les utilisateurs à réduire le temps qu’ils passent à naviguer, à regarder des films et des séries télévisées ou à jouer à des jeux en ligne – sans parler de la popularité croissante des technologies de réalité virtuelle et de réalité augmentée ou de la transformation prévue de l’Internet en métavers. En 2020, la quantité totale de données transférées sur Internet a été estimée à 3 zettaoctets, ou 3,2 milliards de téraoctets. Cette quantité de données transférées devrait encore augmenter et pourrait atteindre 4,8 zettaoctets en 2022.
Ce qui est inquiétant, c’est la tendance à l’augmentation du poids des pages et le nombre croissant de requêtes qui en résulte. En novembre 2010, les médianes pour les pages analysées étaient de 400 Ko et de 50 requêtes, respectivement. En octobre 2021, elles étaient passées à 2 200 Ko et 74 requêtes. En 11 ans, les ressources des applications Web ont augmenté de 371 %, avec une hausse de 27,5 % du nombre de requêtes générées. La bonne nouvelle, c’est que cette croissance a ralenti au cours des deux dernières années, la taille des pages en glissement annuel n’ayant augmenté que de quelques pour cent en 2020 et en 2021, avec un nombre de requêtes inchangé.

Le transfert et le stockage de 1 gigaoctet de données sur Internet nécessitent entre 0,004 kWh/Go et 136 kWh/Go, dont 38 % sont générés sur les appareils des utilisateurs. Ce sont les représentants du secteur de l’Internet ainsi que les concepteurs et les développeurs d’applications Web qui influent sur l’optimisation des sites Internet, en termes de performances, de rapidité, de poids et de contenu. Tout cela a une incidence considérable sur la diminution de la quantité de données échangées et se traduit directement par une réduction des émissions.


L’optimisation pour les moteurs de recherche (SEO) est-elle verte ?

L’optimisation pour les moteurs de recherche peut-elle être favorable à l’environnement ? Après tout, une hausse du trafic Internet et du nombre de pages visitées entraîne une hausse de la consommation d’énergie et des émissions carbone. D’après un rapport BrightEdge, 53,3 % du trafic Internet mondial résulte de la recherche organique. En créant des pages intuitives et pertinentes pour répondre aux besoins et aux requêtes des utilisateurs, nous les maintenons sur le site et minimisons le nombre de pages qui s’affichent lors d’une recherche de mots clés spécifiques. Cela nous permet de contribuer efficacement à la réduction du nombre de recherches et de pages visitées. Si l’on suppose que notre application a été conçue conformément aux recommandations et optimisée en termes d’utilisation des ressources, alors la consommation totale d’énergie et les émissions connexes de CO2 par utilisateur qu’elle engendre sont plus faibles. Une optimisation pour les moteurs de recherche, une bonne expérience utilisateur et des contenus pertinents vont de pair avec la préservation de la planète.


Une expérience utilisateur verte

La prise de conscience grandissante au sein de l’industrie et la popularité croissante de l’approche durable de la conception et de la mise en œuvre des applications permet d’espérer une véritable baisse des émissions liées à Internet. L’utilisation des appareils mobiles, qui croît d’une année sur l’autre et qui a été à l’origine de 54,8 % du trafic Internet au premier trimestre 2021, est un autre élément à prendre en compte.
Le concept de « Mobile First » (design optimisé pour le mobile) permet de répondre au comportement des utilisateurs. Commencer par le développement d’applications destinées aux appareils ayant la résolution la plus faible permet de minimiser les ressources nécessaires et d’accorder une attention toute particulière à la fonctionnalité et à l’ergonomie. Cela se traduit par une interface plus soignée, une diminution du nombre des étapes permettant de parvenir aux informations souhaitées et une réduction du nombre de pages visualisées lors du parcours de l’utilisateur sur le site Internet. En termes de nombre de sessions de pages, cela a une incidence considérable sur la limitation de la consommation d’énergie et des émissions de dioxyde de carbone.
L’étape suivante dans le processus de création d’applications Web durables consiste à augmenter la rapidité et à minimiser les temps de chargement. La réduction et la limitation des ressources ont une incidence sur le nombre et la taille des requêtes échangées entre le serveur de l’application et l’appareil final – la plus petite ressource est celle qui n’est jamais nécessaire. La meilleure solution est d’abandonner les polices dédiées et d’utiliser plutôt les versions compatibles du système, en évitant les contenus vidéo et les images de grande taille. Il est également important d’utiliser des formats graphiques modernes. D’autant plus qu’en 2020, Apple a ajouté le format WebP au navigateur Safari, à partir d’iOS 14 et de macOS 11 Big Sur, permettant la compatibilité de près de 96 % des appareils avec ce nouveau format d’image. Cela se traduit par une possibilité réelle de réduire le poids des éléments graphiques publiés sur les sites Internet de 20 à 30 %.
Le code optimisé et propre, qui s’exécute plus rapidement sur les serveurs et les appareils des utilisateurs, réduit notamment les temps de chargement et l’utilisation de la RAM ou du processeur, ce qui a pour conséquence de limiter la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre. L’utilisation de bibliothèques, de langues et d’outils actualisés, souvent davantage optimisés pour les performances, est également déterminante.
Enfin, la dernière pièce du puzzle consiste à employer des méthodes permettant la mise en cache de ressources statiques par le serveur du site Internet ou à utiliser des solutions cloud telles que les réseaux de diffusion de contenu (CDN). Cette approche fait partie des pratiques exemplaires recommandées (par Google) en matière de création de sites Internet. Il vaut la peine de la souligner et de mettre davantage l’accent sur l’optimisation étendue au sein des projets menés. Cela permettra d’accroître la satisfaction des utilisateurs et de réduire l’empreinte carbone de l’Internet.


Applications Web progressives (PWA)

La requête la plus rapide est celle qui n’est jamais envoyée. Un tel scénario est envisageable dès lors que l’on recourt à une application Web progressive permettant aux appareils des utilisateurs de stocker des ressources telles que des éléments graphiques, des styles, des scripts et même des pages entières. Cela a un effet tangible sur la réduction des échanges de données. De plus, cela limite la consommation d’énergie à celle nécessaire à l’affichage de la version de la page sauvegardée en local.
Malheureusement, en dépit des nombreuses possibilités d’optimisation, cette solution n’est que très rarement utilisée. Au premier semestre 2019, elle n’était mise en œuvre que pour 0,3 % des sites Internet et des applications Web. Cette période a toutefois été suivie d’une hausse significative du recours à la technologie PWA, qui a atteint 1,3 % en octobre 2021.


Les e-mails sont-ils verts ?

La plupart des sites proposent des fonctionnalités basées sur des e-mails (inscription à une newsletter, assistance, rappel de mot de passe et autres notifications, ainsi que, dans le cas du commerce en ligne, suivi automatique du statut des commandes). Tout cela constitue une source supplémentaire d’émissions indirectement liées aux applications Web. En 2020, les 306 milliards de messages envoyés via Internet (en 2021, ils seront près de 320 milliards) ont été source d’un fort trafic Web. On estime que les émissions de CO2 associées à l’envoi d’un seul e-mail sont comprises entre 1 et 4 grammes. Si l’on combine les données mentionnées ci-dessus, l’empreinte carbone mondiale de la correspondance électronique en 2021 peut être estimée à environ 750 000 tonnes de dioxyde de carbone. En créant un modèle de message, nous pouvons réduire son poids. Tout comme pour les pages elles-mêmes, l’utilisation limitée d’éléments graphiques, l’optimisation obligatoire ainsi que l’utilisation de polices sécurisées réduiront la quantité de données transmises et stockées sur les serveurs. De plus, le remplacement des pièces jointes (fichiers, documents ou factures) par l’envoi d’un lien renvoyant à une ressource disponible après connexion est une bonne pratique qui devrait être mise en œuvre. Il ne fait aucun doute que les e-mails constituent une bien meilleure alternative à la transmission d’informations que leurs équivalents papier. En outre, en suivant quelques règles simples lors de leur élaboration, nous pouvons encore réduire leur impact environnemental sur notre planète.


Améliorer le monde de l’Internet

Optimiser les sites Internet, accroître la visibilité dans les moteurs de recherche et améliorer l’expérience utilisateur sont autant d’actions compatibles avec la réduction des gaz à effet de serre produits par l’utilisation d’applications Web. Il vaut la peine d’informer et d’éduquer les personnes travaillant dans l’industrie interactive et les propriétaires de sites Internet sur les avantages de la mise en œuvre d’applications Web durables. Des initiatives émergentes, telles que sustainablewebmanifesto.com, qui ont pour objectif de rassembler les concepteurs et les développeurs, cherchent à encourager la sensibilisation aux risques associés à l’utilisation croissante d’Internet et à promouvoir des moyens permettant de les atténuer. Œuvrer à l’optimisation et à l’amélioration de la qualité des applications est une première étape essentielle vers la création d’un Internet plus durable et plus responsable.

By Jędrzej Marciniak,
Chief Techno logy Officer at Kamikaze Altavia Group

https://www.websitecarbon.com/
https://wdr2021.worldbank.org/stories/crossing-borders/
BrightEdge research-report/BrightEdge_ChannelReport2019_FINAL.pdf
https://www.statista.com/
https://httparchive.org/reports/state-of-the-web
https://www.statista.com/statistics/456500/daily-number-of-e-mails-worldwide/